DÉMARCHE
Les corps féminins dans l’espace public sont rarement regardés avec neutralité. Normés par le regard masculin dominant, ils deviennent objets de narration, de désir et de consommation. Mon travail cherche à brouiller ces assignations en intervenant sur leurs modalités de visibilité afin de troubler les récits et réinventer nos rapports à l’intimité. Ce travail prend forme à travers des autoportraits photographiques et l’altération d’images numériques par des interventions visuelles qui déplacent les conventions du regard.
L’anonymisation est au cœur de cette démarche. Elle ne vise pas à effacer, mais à soustraire les corps à une logique de reconnaissance normative et de consommation visuelle. En masquant les visages, j’interroge la manière dont l’intimité est construite, exposée et consumée. Je m’intéresse à ce qui subsiste lorsque le repère identificatoire disparaît, à ce que le corps peut encore dire en dehors des récits préfabriqués du désir. Loin d’être un geste de pudeur ou de retrait, l’anonymisation devient une stratégie de dévoilement différé, une tentative de réinscription des sujets dans une zone d’opacité volontaire.
démarche
Ce que je cherche, c’est une forme de présence située dans la perte de lisibilité. En refusant l’identification immédiate, je crée un espace où l’intime se reconfigure : ni entièrement exposé, ni totalement dissimulé. Il s’agit de brouiller les seuils de lisibilité, d’habiter les interstices entre le visible et le dissimulé. Ce déplacement trouble les conventions du regard, notamment celui du spectateur, souvent formé à consommer l’image sans distance. Mon travail s’inscrit dans une dynamique de tension : entre visibilité et effacement, entre présence et absence, entre domination des codes et tentative de fissuration de ceux-ci. Cette tension devient un matériau en soi, un espace plastique où s’exprime la complexité du rapport au corps, au genre et à l’image.
Ce travail engage une relation étroite avec l’espace d’exposition. C’est dans la tension entre visibilité et dissimulation que le regard peut ralentir et que de nouvelles formes de présence peuvent apparaître. Ce n’est pas tant ce que l’image donne à voir qui m’importe, que ce qu’elle retient, dissimule ou trahit malgré elle, et la possibilité dans cet interstice de faire émerger un autre récit, plus trouble, plus libre affranchi des codes qui l’ont produit.
BIOGRAPHIE
Je vis et travaille à Joliette, où je partage mon temps entre ma pratique artistique et des projets de médiation culturelle ancrés dans des enjeux d’accessibilité.
Détentrice d’un baccalauréat en arts visuels et médiatiquesde l’Université du Québec à Montréal (UQAM), je complète par la suite un diplôme d’études supérieures spécialisées (DESS) en interprétation et médiation culturelles à l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR), puis la scolarité d’une maîtrise en gestion au profil management des Hautes Études Commerciales de Montréal (HEC Montréal). Depuis 2021, elle siège au conseil d’administration du Regroupement des médiatrices et médiateurs culturels du Québec (RMCQ), où elle assume le rôle de secrétaire.
Mon parcours se déploie à l’intersection de la création et de l’engagement envers des publics marginalisés souvent exclus des récits culturels dominants.